Alors que le monde entier s’en prend aux statues d’oppresseurs de toutes sortes, le Petit Chose a trouvé son combat d’avant-garde : déboulonner la statue de l’empereur romain Auguste.
Le communisme a eu la faucille et le marteau, l’antiracisme aura la clé à molette. Depuis la mort de Georges Floyd aux USA et la résurgence du mouvement Black Lives Matter partout dans le monde, les ennemis du racisme ont choisi le déboulonnage de statue comme mode d’expression. Les cibles principales sont les esclavagistes, colonisateurs et autres oppresseurs blancs qui ont toujours pignons sur rue aux quatre coins du globe. En France, les militants antiracistes visent entre autres ce fripon de Colbert, ministre de Louis XIV et auteur du Code noir. Pourquoi ne pas, après tout, profiter de ce beau mouvement contre les discriminations pour réinterroger ces figures que nous érigeons en héros de la nation sans trop savoir pourquoi ? Mieux, ne serait-ce pas à l’honneur de nos gouvernants de s’emparer de cette question, de « faire de la pédagogie » comme ils aiment le dire, et de parfois reconnaître que des types qui ont fait fouetter d’autres types tout en pillant leurs terres n’ont pas à se pavaner sur nos places ? Et de faire appel à un prestataire pour déboulonner ça proprement parce-qu’après tout, on paye des impôts ? Notre Président, qui n’aime les grands débats que s’il est seul à parler, a tranché : non, on déboulonne pas et pi c’est tout.
Du coup, en l’absence de discussions institutionnelles, le moindre péquin s’est maintenant mis en tête de saccager les statues de son oppresseur préféré : Churchill, Christophe Colomb, Napoléon, De Gaulle, Gambetta, Simone Veil et même la Petite Sirène… Alors puisque tout le monde s’y met, j’ai trouvé mon combat d’avant-garde. Dans notre bonne vieille ville de Nîmes trône une statue d’Auguste, premier empereur romain et fondateur de la Colonia Augusta Nemausus. Dois-je rappeler que derrière ce bel éphèbe à bouclettes se cache un tyran qui a colonisé et réduit à néant le vaillant peuple Volque ?
A la fin du VIème siècle av. J.C., des sortes d’Astérix avec l’accent de Massalia promenaient paisiblement dans la garrigue quand ils tombèrent sur une source. Ni une ni deux, ils plantèrent la tente et s’installèrent pour passer la nuit et les sept siècles suivants. Ils furent ensuite rejoints par les Volques Arécomiques, des tribus celtes. La bourgade grandit jusqu’à devenir la capitale des Volques, protégée par une petite enceinte et une tour en haut de la colline que les futurs promoteurs latins agrandiront et baptiseront Tour Magne. La peuplade vivait donc ici tranquillement, d’amour mais surtout d’eau fraîche grâce à la source divine baptisée Nemoz.
Mais assez vite, les choses se corsèrent. Au IIIème siècle avant le petit Jésus, Rome et Carthage se mirent sur la tronche, et Nîmes est sur la route : la voie héracléenne, entre l’Espagne et l’Italie, qui deviendra plus tard la Via Domitia. Du haut de leur colline, nos Gaulois furent réveillés pendant la sieste par le gigantesque cortège d’Hannibal qui passait dans la plaine, soit environ 100 000 bonhommes, puis par les légions romaines qui passèrent dans l’autre sens. Du coup, après avoir terrassé les Carthaginois, les Romains commencèrent à apprécier le Midi, notamment Domitius Ahenobarbus, Pompée, puis César avec sa Guerre des Gaules. Mais c’est le fameux Auguste qui transforma Nîmes et lui attribua le statut de colonie latine vers 40 avant vous savez qui. L’empereur rasa le patrimoine et les huttes de nos aïeux pour transformer la source en sanctuaire, pour dresser des remparts surdimensionnés, pour construire des thermes, et même un temple dédié à son propre culte. D’ailleurs, pourquoi on ne raserait pas la Maison Carrée ?
Bon, certains racontent que le passage du petit village gaulois aux colonnades augustéennes s’est fait tout en douceur, qu’à part quelques échauffourées vite réprimées par les flics de l’époque, la cohabitation s’est relativement bien passée jusqu’à ce que les Gaulois soient définitivement assimilés aux Romains. Il paraît même que le statut de colonie latine était génial pour les Volques, car ils avaient les faveurs de Rome tout en gardant une autonomie quasi totale… Mais il n’empêche qu’avec tout ça, on est des descendants de ritals ! Et personne ne dit rien ! Où sont les grands patriotes pour défendre l’honneur de nos fameux « ancêtres les Gaulois » ? Les Nîmois auraient tout intérêt à se réapproprier leur histoire et leur vraie identité. Et puis dans la foulée, on fera un détour par la statue de ce pauvre Nimeño II qui, entre autres vices, avait paraît-il un penchant pour l’entrecôte grillée.